Quand Macron passe sous la table
Chaque week-end, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond ? L’essentiel.
Lundi – À trop dérouler le tapis rouge…
Au Kremlin, invité d’honneur, François Mitterrand avait jadis, à dessein, cité dans son discours officiel, le nom d’Andrei Sakharov, le grand savant atomiste et le plus connu des dissidents russes. Son discours avait été censuré par les autorités soviétiques. Recevant le dictateur chinois, dont la férule sur son peuple rivalise avec celle des antiques dirigeants communistes, Emmanuel Macron s’est bien gardé de pareil éclat. Les dissidents chinois ? Les Ouïghours ? La pression incessante sur Hong-Kong ? Les menaces sur Taïwan ? Connaît pas. On parle géopolitique, commerce, droits de douane et route de la soie. Aucune fausse note, même symbolique. Que gagne-t-on à faire passer les valeurs des démocraties sous la table ? Rien.
Mardi – Les nationalistes hors-la-loi
Dans un entretien au Monde, Laurent Fabius, président du Conseil Constitutionnel, note que la « préférence nationale », colonne vertébrale du projet de l’extrême-droite pour la France est anticonstitutionnelle. Autrement dit, le parti favori aux élections européennes, et bientôt à la présidentielle, s’apprête à violer sans sourciller la loi fondamentale. Qui s’indigne ? Qui s’inquiète ? Qui remarque même la contradiction ? Personne. On s’étonne après de voir le RN passer dans les sondages la barre des 30 %.
Mercredi – L’infamie radicale
Même inertie quand Manon Aubry, tête de liste LFI, accuse faussement ses rivaux, Bellamy, Glucksmann, Hayer, de « se remplir les poches » avec l’argent des lobbys. Il s’agissait en fait de droits d’auteur et d’une indemnité de conseillère départementale. La calomnie, démontrée par plusieurs journaux, aurait dû valoir à son autrice un ostracisme général. Mais le poison populiste est comme celui que Mithridate absorbait chaque à petite dose pour prévenir l’empoisonnement : il finit par habituer tout le monde à l’infamie.
Jeudi – Le sacre de Sophia Aram
Un Molière, donc, pour Sophia Aram, dont le spectacle satirique – et la chronique de France Inter – font plus pour la cause de la démocratie et de la république que dix discours présidentiels. Pour ridiculiser les extrêmes, défendre l’humanisme et la raison, relever une gauche arc-boutée sur ses valeurs d’égalité, de liberté et de laïcité, chaque phrase porte, chaque sketch fait mouche. Sophia au pouvoir !
Vendredi – Kahn vise juste
Jean-François Kahn, homme de gauche déguisé en « centriste révolutionnaire », dit ses quatre vérités à la pauvre gauche française dans un livre implacable. Il pousse loin le bouchon, sacrifie à la polémique qui est sa seconde nature, annonce une mort politique sans doute prématurément ? Sans doute. Mais ses questions sont pertinentes, ses interpellations justes, son réquisitoire appuyé sur des faits incontestables. La gauche rationnelle, réformiste, doit répondre, par l’action, à ses sombres prophéties. Faute de quoi elle lui donnera raison.