Un sentiment de honte…
Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond? L’essentiel
Lundi–Aberration décoloniale
Un sentiment de honte… Pour avoir passé, en quelque sorte, ma vie à gauche, je croyais jusqu’à maintenant que ma famille politique avait tiré les leçons de l’histoire et luttait, par construction, contre tout ce qui pouvait ressembler à de l’antisémitisme. Humiliante déception : voici que dans un défilé féministe, des manifestantes repoussent avec force invectives les femmes juives venues protester contre les violences exercées par le Hamas sur des Israéliennes lors de l’attaque barbare du 7 octobre. De quoi s’agit-il, sinon de la conséquence scandaleuse de l’aberration décoloniale ? Certaines victimes sont légitimes, « les dominées », d’autres non, « les dominantes ». Les femmes en général doivent protester contre l’oppression masculine qui les frappe, mais pas les juives. J’hésite sur ce qui a pu provoquer pareille régression : dogme, ignorance ou bêtise ? Les trois sans doute.
Mardi – Clichés à Crépol
Festival de clichés idéologiques autour de l’affaire de Crépol, où le jeune Thomas a été poignardé à mort et d’autres blessés par des agresseurs venus en bande d’un quartier populaire de la ville voisine. Une partie de la gauche parle d’un simple fait divers et ne veut pas voir que la ghettoïsation d’une partie des immigrés a créé un milieu délinquant dans les cités de France, sur fond de violence endémique, de trafic de drogue et de pénétration islamiste, posant un problème majeur de sécurité.
L’extrême-droite et une partie de la droite en déduisent que deux communautés s’affrontent dans le pays, l’une blanche, de culture chrétienne, l’autre arabe ou noire, de culture musulmane : France des villages contre France des cités. Langage de guerre civile qui ignore volontairement une vérité d’évidence. Comme le rappelle la maire de Romans-sur-Isère, Marie-Hélène Thoraval, élue d’une droite fort classique, la grande majorité des habitants du quartier incriminé, celui de la Monnaie, également d’origine immigrée, veulent vivre paisiblement et dénoncent l’insécurité dont ils sont les victimes et non les coupables. Loin de toute solidarité « communautaire », ils dénoncent le comportement d’une minorité de jeunes délinquants qui pourrissent leur vie quotidienne.
Telle est la logique identitaire de la droite dure : jeter deux parties de la France l’une contre l’autre, alors que la grande majorité des immigrés veulent avant tout s’intégrer sans heurts à la vie française. Cécité volontaire du nationalisme à front bas qui dénonce verbalement le communautarisme pour l’exacerber en fait.
Mercredi –Nul n’est censé…
Éric Dupond-Moretti relaxé par la Cour de Justice de la République. Le conflit d’intérêts est constitué, ainsi que la « prise illégale d’intérêt ». Mais la Cour estime que le Garde des Sceaux, en lançant une enquête contre des magistrats avec qui il était en conflit comme avocat, n’a pas eu « l’intention » de violer la loi, parce qu’on ne l’a pas « averti » du possible délit. Une ignorance sans doute due à son manque de formation juridique…
Jeudi –Toupet
Jérôme Cahuzac revient dans les médias, qui lui tendent un micro secourable. Ministre du Budget condamné pour fraude fiscale, il a purgé sa peine : il a le droit de faire de nouveau de la politique. Il a menti ? Certes, répond-il, mais les autres hommes politiques mentent également. Il peut donc se mêler à eux de nouveau. Tous coupables, en somme. Voilà une justification qui va redorer le blason de nos élus…
Vendredi –Ambiguïtés de Villepin
L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin se défend comme un beau diable de tout antisémitisme. On peut critiquer Israël, dit-il, sans encourir l’infamante accusation. Certes. Mais rappelons sa déclaration, parlant de la situation de certains artistes propalestiniens aux États-Unis : « Les artistes ne doivent pas se soumettre à la dictature de la pensée commune. On voit en filigrane à quel point la domination financière sur les médias, le monde de l’art, de la musique, pèse lourd. Ils ne peuvent pas dire ce qu’ils pensent tout simplement parce que les contrats s’arrêtent immédiatement. » Le mot « juif » n’étant pas prononcé, l’antisémitisme n’est pas constitué. Mais tout de même.
Si les propalestiniens sont censurés, qui sont ceux qui les censurent en abusant de leur pouvoir économique ? Suivez le regard de Villepin… Du coup apparaît nécessairement dans l’esprit du spectateur l’ancien cliché antisémite : les juifs tiennent les médias et la culture. Voilà la maladresse, l’erreur, ou le dérapage – comme l’on voudra – de l’ancien Premier ministre.
Samedi – Mélenchon, encore…
Un numéro usé. Énième intervention furibarde de Jean-Luc Mélenchon, sur France Inter cette fois, face aux questions aiguës de Marion L’Hour et Ali Badou. Même postures bravaches, mêmes invectives, mêmes mises en cause automatique des médias, mêmes sophismes grossiers, notamment celui selon lequel une organisation qui emploie systématiquement des méthodes terroristes ne saurait être qualifiée de terroriste, sauf à épouser les thèses de Samuel Huntington sur la guerre des civilisations (???). Mon impression, de plus en plus partagée, me semble-t-il : le numéro est usé et l’imprécateur se répète sans qu’on y prenne plus grande attention.